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29 May

(Nouvelle - sans titre)

Publié par Layna Connors  - Catégories :  #AD amie poétesse

Note du bloggeur: point de poésie ici, mon amie AD n'était pas intervenue ici depuis trop longtemps, voici donc une courte nouvelle pour la rappeler à votre souvenir.

Léon déchargea les racks de bouteilles de bière et, avec soin, mit de l’ordre sur le comptoir. Longtemps qu’il n’avait pas joué au serveur, se dit-il. Une partie de son cerveau s’envola vers le Train Bleu, la timide et effrayée Nikita dont s’était la première sortie, dont les yeux n’en pouvaient plus des décors majestueux du gigantesque restaurant, lui en serveur de luxe. Le reste de son cerveau reprit vite une totale emprise. La mission d’aujourd’hui serait moins spectaculaire qu’alors. Moins cafouilleuse et désordonnée. Mais bien plus retentissante.

Avec soin, il rangea éponge et torchon pour admirer son ouvrage. Propre et net. Comme toute chose devait l’être d’après Léon. Le coin supérieur gauche de sa bouche, joliment dessinée, eu comme un soubresaut. Léon souriait peu.

N -17 mn avant que N.S. apparaisse. Léon l’attendait. Léon savait tout de ces habitudes secrètes, comme cet obsessionnel double noisette pris à cinq heures quarante-cinq, qu’il neige ou grêle, dans ce café banal et typique. Le « troquet du coin » cher aux parisiens de souche comme d’adoption. Troquet où toute couleur semblait délavée et fatiguée du temps compté et recompté ; où les chaises grinçaient sur un carrelage qui en avait trop vu, trop supporté. Le genre de café qui tendait à disparaître à « rapiditesse » disait en riant Eric, le serveur habituel.

Léon, comme statufié derrière l’antique comptoir, faisait face à la rue. Il connaissait sa partition. Noémie était son dernier bijou, fabriquée avec la tendresse et la patience qu’il n’accordait qu’à ses petites bombes. Merveilles de précision et de destruction.

Cinq heures quarante. Pas un chat, rien pour souiller ou animer les vitres de la devanture que Léon fixait comme il fixait un écran géant, avec application.

Cinq heures quarante-trois. Léon se détourna, mis du café à moudre.

Cinq heures quarante-quatre. Depuis la rue, on ne pouvait voir que le dos d’un serveur qui s’affairait à… à ce quoi à il devait s’affairer. Quel consommateur s’intéresse jamais aux tâches d’un serveur ? Aucun. Jamais. Il s’en fiche… jusqu’à ce que sa commande traîne, tarde à se matérialiser.

Cinq heures quarante-cinq.

- Bonjour Eric !
- Bonjour mo… ah ben… c’est un choc quand même.

Léon sait vraiment bien jouer sa partition.

- Eric n’est pas là ?

Le client - tant - attendu paraît inquiet. Il n’aime guère les perturbations.

- Ah ben ça....
- Où est Eric ?
- Ah oui… euh pardon m’sieur l’président, Eric a eu un problème. C’est mon cousin alors je l’remplace quoi.
- Important ?
- Hein ?
- Le problème. Important ?

Le ton prêt à trancher, le menton haut et l’orgueil au bord de l’explosion : c’est bien notre président.

- Oh non m’sieur l’président, c’est dans la famille à sa sœur, un accident d’épandeur, du coup a fallu qu’y parte d’urgence pour aider. Mais vous z’inquiétez pas y m’a prévenu…

Tel le magicien qui ménage son effet, Léon fait apparaitre un double noisette fumant.
Les yeux du client s’agitent de la tasse à Léon, de Léon à la tasse avant d’afficher un sourire de conspirateur.
Léon soupire :
- Comme Eric m’a dit, m’sieur le…
- Juste Nicolas, le coupe-t-il.
- Ouah… ah ben voilà Ni-co-las.

Léon sait jouer les niais autant que les serveurs.

Nicolas tourne sa cuillère tout en devisant de choses et d’autres, de la pluie, du beau temps. « Le cousin d’Eric » vaque à ses tâches, répondant et relançant la conversation comme il se doit.

Nicolas est intrigué par ce cousin : un langage à la limite du supportable - Eric, au moins, est plus agréable aux oreilles, se dit-il - mais des remarques qui tombent juste. Un cerveau se cacherait-il dans ce type tout en muscles ?, se demande Nicolas.
Nicolas est ravi d’une aussi bonne surprise. Il laissera un bon, un très bon pourboire. Il relève son regard, tiens, le serveur n’est plus là, il aurait juré qu’i….

Fin

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Humeurs et délires littéraires